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rue pêcherie
23 septembre 2012

Liberté au jardin

Le flanc gris de la chatte se soulève au rythme saccadé et rapide de sa respiration. L'ardeur du soleil vient de faire place à une douceur ombragée caressante et rafraîchissante. Des petits cris d'oiseaux ici et là ponctuent le silence, quelques bourdonnements, des pépiements plus coupants, plus insistants, qui doivent être dans les pommiers tout proches, d'autres sifflements, d'autres insectes, une multitude, une variété étonnante d'habitants de l'air. Au loin une rumeur de moteurs, un grondement, des glissements de véhicules sur une route, la chatte sur la table s'est retournée, elle a un pelage grisonnant, vieillissant, sur les cuisses, elle s'affale en rond, sa respiration creuse son flanc plus régulièrement, quelques tremblements s'emparent de son corps depuis l'intérieur jusqu'à la fourrure, aux poils du museau, puis elle se relâche dans un mouvement d'une douceur, d'une lenteur extrêmes. C'est étonnamment beau, ce corps de chat, ce corps de petit félin dans lequel elle a vécu, dit-on, la bientôt totalité de sa vie. Sur ma feuille une sorte de fourmi minuscule aux ailes diaphanes traîne un énorme abdomen, qui la fait presque basculer par moments sur le côté, par moments s'arrêter, arcbouter son thorax à la verticale, puis une fois sur le bois de la table – sorte d'arbre noirci – sa démarche devient rapide, rectiligne, plus légère. Elle se glisse dans une rainure et se tord sur un amas de graines puis se défait de ses ailes diaphanes, elle repart prestement, sans ailes, son ventre semble moins gros, comme un atelage docile. La chatte s'est resserrée, le museau sous sa patte avant repliée, au centre du rond de son corps, les deux pattes arrière, la queue, allongées solidaires comme une base rectiligne qui prolonge cette boule.
C'est un commencement d'automne très tiède, les noix ne sont pas encore tombées, elles sont  dans leurs enveloppes de chair verte qui s'arrondissent parmi les branches aux feuilles ici ou là devenues jaunes.
La brise par moments est si faible que l'herbe reste immobile, comme en attente au pied des bambous eux aussi comme arrêtés, leurs feuilles en forme d'oiseaux posnat en plein vol pour le bonheur de la vue, grappes d'ailes pointues sur lesquelles glisse la lumière verte, jaune, dorée. Et le soleil revient. L'été revient. La chatte s'est accroupie face au soleil, à l'ouest, comme un sphinx tranquille. l'estaque1908
Une famille dans le voisinage s'extasie sur les courges qui ont abondamment poussé, librement en travers du jardin et sont énormes, rouges, jaunes ou blanches, et qu'ils offrent à leurs visiteurs. Le timbre des voix des hommes, des femmes, des enfants sont comme autant de musiques lorsqu'ils sont parfaitement libres chez eux comme dans un monde sans limites. Puis, peut-être nous ont-ils vu écrivant à quelque distance sur la table du jardin de l'autre côté du chemin et leurs voix se sont étouffées. Liberté au jardin.

Jim

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