Les langues violettes des fleurs de trèfle,
Les langues violettes des fleurs de trèfle, léchées par le soleil ; les feuilles de fraisier, toujours triples, audacieuses de vert, gaufrées, lustrées, dentelées, qui ont le même toucher mou et velu que les fraises de lourd rouge tentateur ; le plantin dur, le trèfle blanc, les petites plantes grasses en épi, la mousse, le pissenlit, les fines graminées qui n'auraient pas poussé si l'on avait – comme il est d'usage – regoudronné le chemin ; l'ortie, les pommes, le bouton d'or, les roses en bouton, le chèvrefeuille qui se torsade, mes pieds surpris par une chaude bourrade de mottes touffues, les étranges insectes vigilants aux ailes plus belles que des vitraux de cathédrale, aux mouvements souples comme le vent ;
un prunier dont le bois chante, son craquement presque identique au gazouillis de l'oiseau qui l'habite, les merles soudain qui explosent de mélodie, le ciel trop bleu, une tige qui se met à tourner toute seule comme un derviche pendu, se saoulant d'un air invisible dans l'ombre du pin paresseux, rauque de parfum chaud et piquant où la fauvette module des chants suaves ;
tout cela, les cerisiers ondoyant en cascades, en vertes fontaines, le sapin dégingandé au loin, le grincement discret du prunier encore, les algues noires qui sont trstées, rondelettes, molles et tièdes, dans le creux du chemin, après ce mois de mai où tous les jours il pleut et fait soleil, le dessin des montagnes de calcaire ouvragé, gris et bleu parcouru de toisons vertes, le discours du merle, tout cela sans raison, plus beau que tout.
jim
photo : Jacline 25 mai 2013