Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
rue pêcherie
27 octobre 2012

Avec un reste d'encre

Dans la fenêtre je n'ai vu tout entier que le grand tilleul si beau dans le dépouillement commencé de ses feuilles.
Le feu consume et l'encre sèche, la pluie fait entendre son chant frais et monotone. Tout doit disparaître, s'éteindre, brûler. L'odeur du feu de bois dans la maison est si bonne. L'odeur des noix pourrissant dans l'herbe sous la pluie. Le chant de l'eau qui tombe se fait plus léger, plus fin. Tout se meurt doucement, le beau papier que je gaspille, le temps qui se gaspille. La pomme pourrit. Il faut penser à jeter tous ces journaux. La pluie chante de sa voix pâle et frémissante. Le feu ronronne. Je voulais tout brûler, tout voir disparaître de ce passé révolu, poussiéreux. Il y a tant de beauté, cette pierre où se dessinent des astres, des signes zodiacaux, des enluminures presque dorées sur la blancheur tendre du silex, tant de vies incrustées, resserrées dans la pierre. Je voulais que tout disparaisse de ce qui a été gardé des maux, des envies, des colères, des haines, de toute cette prétention à rester. La pluie caresse de ses petites mains dansantes le jardin qui resplendit de verts, de bruns, de jaunes luisants, les branches qui s'égouttent touchent presque la vitre du côté du jardin, la pluie strie et ponctue l'espace extérieur, les branches se relâchent, les feuilles se détendent sous cette écriture mouillée et dansante. C'est cela que je voulais écrire, écrire pour que tout meure, tout ce qui doit mourir puisse le faire à son goût, ses odeurs, à sa main, à son rythme comme le feu qui ronronne à petits bouillons, comme le vent léger dans les bambous, la feuille qui se tourne, la page qui s'écrit, le silence qui s'emplit de la calme beauté de la vie. Ce n'est qu'un temps. Ce n'est qu'une pomme, jaune marquée de petits traits ocres comme une pluie légère, d'une croûte brune, de traces noires, une pomme sauvée de l'herbe,entrée dans la maison, si belle, pour être mangée bientôt. Les journaux sont brûlés dans la cheminée, les photos jaunissent, un petit oiseau craquète finement dehors, l'encre du stylo s'épuise, le silence aussi va s'inscrire, se poser sur la feuille, un petit oiseau chante finement, très aigu comme la pointe d'une herbe ou d'un parfum, tout est si neuf et pourtant c'est l'automne mais il n'y a pas d'arrêt dans le renouveau du temps, du bonheur naissant, le feu de sa douceur orangée chante, parfume et réchauffe la maison,le silence habité des maisons 1947 dans nos veines court le sang chaud, dehors le tilleul si beau dans le dépouillement commencé de ses feuilles, comme une fontaine arbustive, majestueuse, nous regarde, l'encre au bout de ma plume s'épuise, la pluie chante, froissement tendre, s'écoule, se déverse, s'élance à la fenêtre, le vent vient, l'accompagne. S'il m'en restait, je voudrais vivre encore. L'après-midi s'obscurcit légèrement, le jardin devient bleu, la pluie et le vent s'écoutent, dansent, un petit oiseau crie de joie, bref et économe, le ciel lisse des draps humides, tout doucement, comme nous respirons, dans le calme après-midi. Toutes les feuilles de la glycine sont encore vertes et coiffent la fenêtre, côté jardin.

Jim

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité