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rue pêcherie
25 mars 2013

La main

L'homme dort près de son pommier. Sa vieille veste de velours baille sur son ventre arrondi. Son chapeau est par terre, à ses pieds, comme un gros champignon. Un bolet. De ceux qui profitent de votre inattention pour se gorger d'humidité, de saveur, de couleur, pour gonfler comme des éponges. L'homme, son dos calé contre le tronc de l'arbre, gonfle lui aussi tout doucement à la mesure de sa respiration. Il rêve. Les oiseaux chantent autour de lui comme s'il était l'un des leurs, un animal, ou une plante, enfin inoffensif. C'est peut-être un ogre, comme dans les contes, qui digère son abominable repas de tendre chair innocente. C'est peut-être un sous-préfet aux champs, ou un poète. La vache près de lui a laissé une large bouse dans laquelle des mouches nonchalantes viennent pondre, prévoyante, assurant un bon nid nutritif et tiède pour leurs asticots.
— C'est mon grand-père, dit le petit Benoît à Isabelle qu'il a emmenée avec lui jusqu'ici, lui disant "Viens, je connais un raccourci" alors qu'il l'avait rencontrée sur le chemin de la ferme en ce premier jour de vacances. La fillette avait peur et se serra un peu contre Benoît pour se cacher. l'enfant à la poupée 1904 L'homme, lui, se tenait contre le pommier, comme il se tenait aussi assis contre son mur, certains soirs d'été, au soleil couchant. Il se protégeait lui aussi, sans trop le savoir, il savait que la vie est précieuse et éphémère, il otait la vie aux poules, aux lapins, aux veaux encore sous leur mère, aux cabris, il écrasait les mouches du plat de la main. Il aimait caresser son petit-fils Benoît, et ses autres petits-enfants aussi, de sa grosse main.

 Jim

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