Grenier

Allez ! c'est bon ce jour je vide le grenier de cette maison qui fut ma maison, qui fut notre maison, petite maison blottie au creux de la combe. Je vide. Enfin je vais essayer de vider – toute seule puisque personne de mes frères et soeurs ne veut m'accompagner dans ce travail.
Depuis la mort des parents tout est resté en l'état dans ce grenier poussiéreux : trop de souvenirs, trop de malaise, trop de bric-à-brac entassé là.
D'abord accéder à cette trappe et se battre pour la soulever. Elle ouvre sur cet espace qui paraissait immense à nos yeux d'enfants lorsqu'on "montait jouer" au grenier. Se battre aussi contre les toiles d'araignées accumulées là depuis des années. Chercher à tâtons le bouton électrique. Une lampe vétuste et poussiéreuse éclaire à demi mais cela suffit pour voir que rien n'a changé. La malle aux livres est bien fermée. Elle côtoie de vieux journaux empilés et ficelés. Puis loin des sacs éventrés où s'entassent vieux vêtements, rubans de dentelles jaunies, linge de maison inutilisé depuis des lustres. Déguisements de notre enfance.
Dans un coin le berceau qui a servi à endormir les enfants depuis combien de générations ?
Dans le vieux buffet en bois, rongé par les vers, les portes branlantes et entrouvertes laissent voir de la vaisselle ébrêchée : soupière, assiettes, tasses, pot à lait, cafetière...
Des outils aussi, des serpes, des faucilles à peine rouillées et sur leur manche en bois les initiales gravées de leur propriétaire.
Et puis, et puis... vider tout cela. Il faut que je vide, que je vide. Quelle drôle d'idée !
Non ! Non ! Pas le courage, pas la force, cela me prendrait trop de temps.
Et puis pourquoi vider ? Personne ne montera plus jouer au grenier.
J'éteins donc la lumière, referme avec douceur la trappe et laisse aux araignées et à la poussière le soin de protéger tous ces souvenirs qui affluent et dont je suis encore remplie.

 Agnès