Suspension

Sous la suspension de la cuisine, suspension un peu vieillotte – porcelaine blanche encapuchonnée d'un tissu vichy à pompons – elle s'active.
Sur la toile cirée de la table ronde, toile un peu délavée par de nombreux coups d'éponge, se trouve un énorme panier rempli des légumes du jardin : tomates, courgettes, aubergines, oignons, persil, poivrons rouges et verts.
Elle n'est pas assise. Debout, le couteau à la main, elle s'affaire. Elle tranche, coupe, épépine. Ses mains halées par le soleil d'été sont en mouvement perpétuel comme deux ailes de papillon.
Du panier au plateau, du plateau à la grosse cocotte en fonte, les légumes s'amoncellent et puis frétillent dans l'huile d'olive chaude. L'œil en éveil elle surveille avec attention la cuisson puis ralentit le feu pour laisser mijoter.
Une odeur, un parfum de garrigue envahit la pièce.
Elle s'assoit. Son regard se pose sur une photo fanée, perchée au sommet du buffet rustique.
Une porte claque. Une bouffée d'air frais entre dans la cuisine embuée.

– Que ça sent bon ! Oh mais, mémé, tu pleures ?

– Mais non, petite fille, ce sont les oignons que je viens d'éplucher. L'hiver sera rude cette année, ils ont une robe dorée fort épaisse !

Agnès