Embarquée !

Je suis embarquée. J'ai peur d'être embarquée. Ou je me sens embarquée. Avec toi, je ne conduis pas la barque, tu comprends.
Que serais-je sans toi, dit-il.
Il me semble, moi, que sans toi, je serais enfin moi – 
Je te préfère virtuel –
et que si, péniblement, je parviens à être un petit moi c'est malgré toi, en te repoussant – en me déchargeant de toi.
Tu me contredis, tu n'y comprends rien, ça ne t'intéresse pas, tu n'écoutes pas. Tu parles de tout autre chose.
Quand tu m'embarques, je veux débarquer. Je veux revenir, revenir à moi.
Quand je t'embarque, je veux que tu m'entendes et que tu m'applaudisses.
M'entendez-vous ?
– Tu ne t'ennnuies jamais, sans les autres ?
– C'est avec les autres, parmi les autres, dedans les autres que je songe à m'enfuir, quitter, m'endormir, arrêter. Perdue. Moi est ailleurs. Moi n'est pas vraiment là. 
Finissons-en.

Ils m'assomment, les autres, toujours.
Ils prennent toute la place. Ils me fatiguent.
Ils respirent mon air. Est-ce que je vais respirer leur air, moi ?
Ils m'empêchent.
Ils sont si différents.
A quoi sert l'autre ?
A me contrarier, à m'encombrer, à faire trop de bruit.
Souvent, je hurle avec les loups et les louves.
Souvent, je fais semblant.
Souvent, je prends le contre-courant, à contre-temps, et contre tous.
Souvent, je me défausse.
Souvent, j'essaie.
Toujours, j'essaie, je me protège.
Enfin seule. 

Catherine

peinture >Uleski       texte > tohubohu