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rue pêcherie
24 novembre 2009

J'en ai marre d'écrire le mardi soir

Anne, ma sœur Anne,

Moi, maintenant, j'en ai marre de tout ça et j'ai décidé de lever le secret.
Oui, brisons l'omerta : je vais te raconter tout bien en détails, ce qu'il se traficote, le mardi soir, à l'atelier d'écriture.

Des faits ? Eh bien, ce soir encore, par exemple, il a recommencé. Tout. Comme d'habitude. La bise, d'abord. Bonjour, bonjour (mis en confiance, nous abandonnons d'emblée nos plus élémentaires défenses). Il pousse, parfois jusqu'à nous faire du thé ! Une fois tout le monde assis, lui se lève et va fermer le store (le secret, le vase clos, j'aurais dû me méfier !)

Et puis ça commence et on ne peut s'échapper. C'est tout en douceur bien sûr, on parle de la pluie, du froid, de l'autre jour, du clocher, de la rue, du président, de la vie, l'amour, la mort, peu importe c'est  "Abracadabra, vous allez écrire"… Et, de fait, on est là, soumis, hypnotisés, ma-ni-pu-lés et on écrit, on écrit, on gratte… Tu nous verrais autour de la table, concentrés, tout à notre affaire, on n'a pas l'air malheureux, on y va de bon cœur ! Il faut voir l'air appliqué de certains !
On écrit, on perd toute dignité, toute pudeur. On raconte sa vie, ses craintes, ses espoirs, on raconte, on ne sait pas où on va mais ça coule au bout de la plume. Ça va même jusqu'à parler MALGRE nous, sans notre accord. Comme une transe.

Les premières fois, je suis venue, attirée. Bon. Et j'y prenais beaucoup de plaisir. Bon. Je banalisais, c'était une petite activité d'éveil comme la danse, le yoga ou le chant. Mais je ne ratais pas une séance :
" Mardi soir ? Ah non je suis prise !..."  Prise, tu parles !

A mon entourage qui s'inquiétait, je répondais, invariablement: "J'arrête quand je veux !"
Non contente d'organiser ma vie en fonction de l'atelier d'écriture, j'étais ponctuelle. Très ponctuelle. Plus que ponctuelle. En avance. Chaque fois.

Avec du recul, j'ai honte : je lui ai même amené un vieux pote, à la retraite, en cours de restructuration, en quête de sens, la proie facile. Le grand flash a eu lieu tout de suite, pour lui. Délaissant femme et petits enfants, il vient contre vents et marées de sa contrée lointaine tous les mardi soirs. Il occupe d'ailleurs, déjà, un haut poste dans la hiérarchie de l'atelier.

Non, je ne me supporte plus. C'est une drogue à accoutumance. Je veux décrocher. Je veux retrouver mon libre arbitre. Je veux être moi même. Je veux retrouver mes facultés. Toutes mes facultés. Ma faculté, par exemple, à écrire un texte de plus de deux feuillets. Je ne veux plus être ainsi formatée. Je ne sais plus écrire dans la durée une histoire avec des gens, une action. Ça ne m'intéresse plus de relater des faits réels. Je ne vois pas d'issue.

Anne, ma sœur Anne, au secours.

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Catherine

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